Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

6e dimanche de Pâques B – 9 mai 2021
Ac 10, 25-26.34-35.44-48 – Ps 97 (98) – 1 Jn 4, 7-10 – Jn 15, 9-17
Homélie du P. Franck Gacogne

« Nous nous comportons fréquemment comme des contrôleurs de la grâce et non comme des facilitateurs. Mais l’Eglise n’est pas une douane, elle est la maison paternelle où il y a de la place pour chacun avec sa vie difficile » (EG 47, AL 310). Vous avez peut-être reconnu dans cette citation les propos percutants du pape François dans sa première exhortation « la joie de l’Evangile ». Ce texte est comme la feuille de route de son pontificat, propos qui illustrent et actualisent si bien notre première lecture sur laquelle je vais m’arrêter ce matin.

Cela va peut-être vous surprendre, mais je crois que le passage du livre des Actes des apôtres que nous avons entendu ne nous raconte pas la conversion de Corneille et de sa maison, mais bien plutôt la conversion de Pierre lui-même et de ses compagnons. Pierre est surpris d’être appelé auprès d’un centurion de l’armée romaine. A son arrivée, il est pourtant profondément touché, remué aux entrailles par la démarche de foi de Corneille : Pierre quitte alors la posture de celui qui enseigne, de celui qui dispense la grâce de Dieu, pour la découvrir à l’œuvre et la recevoir lui-même d’un païen à travers lequel il discerne et comprends que Dieu est impartial. Et dans une profession de foi inédite, Pierre déclare que Dieu « accueille, quelle que soit la nation, celui qui le craint et dont les œuvres sont justes. » C’est-à dire toute personne qui se met sous son regard et qui cherche en conscience à avoir une vie droite. Les critères connus d’appartenance tout à coup implosent. Les frontières qui jusqu’ici facilitaient le décompte des fidèles du Christ s’écroulent. Pierre se convertit et prend conscience que l’Eglise du Christ dépasse ce qu’il en percevait. Pierre et les juifs d’origine qui sont avec lui sont dans la stupéfaction. Pierre consent à être dans la dé-maîtrise. Il discerne et voit que l’Esprit Saint souffle où il veut, c’est-à-dire partout et en tous, sans conditions. Et tous peuvent alors être en Eglise sans conditions, ou plutôt si, avec deux seules conditions rapportées ici par Pierre : « être dans la crainte de Dieu et avoir des œuvres justes », en d’autres termes, reconnaître que Dieu est tout-amour et le signifier dans ses actes.

Le pape François rapporte que saint Thomas d’Aquin indiquait qu’on devait exiger avec modération des préceptes ajoutés par l’Eglise postérieurement « pour ne pas alourdir la vie aux fidèles » et transformer notre religion en un esclavage, quand la miséricorde de Dieu a voulu qu’elle fût libre » (EG 43)

La conséquence et la conclusion que Pierre énonce, coulent de source : « Quelqu’un peut-il refuser l’eau du baptême à ces gens qui ont reçu l’Esprit Saint tout comme nous ? » Et il donne l’ordre de les baptiser au nom de Jésus Christ.

Demandons au Seigneur que son Eglise cesse d’être une douane pour demeurer ou pour retrouver cette grande Tradition. Demandons au Seigneur que chaque baptisé, que chacun de nous sache reconnaître et être admiratif des fruits de l’Esprit-Saint dans celui ou celle qui m’est différent par l’âge, l’origine, la condition sociale, l’état de vie ou l’orientation sexuelle… Toutes considérations que l’Evangile et l’Esprit Saint ignorent et qui nous incitent pourtant si souvent à mettre les gens dans des cases bien étiquetées pour mieux exclure.

Nous n’avons pas lu la suite de l’histoire, mais au chapitre 11, Pierre et les frères qui l’accompagnent sont de retour à Jérusalem, et ils vont se faire reprocher par des juifs observants d’être allé chez, je cite « des incirconcis notoires et d’avoir mangé avec eux » (Ac 11, 3). Pierre ne se laisse pas démonter par ces reproches et prends le temps, paisiblement, d’expliquer sa vision et sa propre conversion qui l’ont conduit à prendre conscience qu’il ne devait pas faire obstacle à l’Esprit Saint mais qu’il devait laisser Dieu agir. « Et si Dieu leur a fait le même don qu’à nous, parce qu’ils ont cru au Seigneur Jésus Christ, qui étais-je, moi, pour empêcher l’action de Dieu ? » (Ac 11, 17)

Donne Seigneur à ton Eglise de l’audace. Donne à chacun de nous d’ouvrir ses yeux et son cœur afin comme Pierre d’être non pas des contrôleurs, mais des facilitateurs et des contemplatifs de ta grâce à l’œuvre dans ce monde que tu aimes. Amen.