« Il s’agit d’intégrer tout le monde » (Amoris Lætitia 297, pape François)

Lors d’un premier temps fort diocésain, le 15 octobre 2017 à la cathédrale Saint-Jean, autour des personnes ayant vécu une rupture familiale, le cardinal Barbarin le disait ainsi : « Dans l’Église, on a besoin de tout le monde ! » En effet, c’est la visée nette, franche et nouvelle qu’a demandée le pape François à toute l’Église en 2016 dans la publication de son exhortation « La joie de l’amour » (Amoris Lætitia), orientation plus particulièrement développée dans son chapitre 8 : « Accompagner, discerner et intégrer la fragilité. »

Le 19 janvier 2020 s’est vécu à l’église de l’Annonciation avec Mgr Dubost un second temps fort diocésain. Ce rassemblement visait à prendre conscience tous ensemble du chemin que nous avons à parcourir pour que chacun puisse trouver dans l’Église sa place pleine et entière de baptisé, car force est de constater qu’aujourd’hui il y a des « derniers » qui ne se savent pas invités à devenir « premiers » (Mt 20, 1-16)

Le 8 avril 2022 à l’église de l’Annonciation

6 ans jours pour jour après la publication de l’exhortation, une messe festive et participative a permis de recueillir les bons fruits qui été vécus par toutes celles et ceux qui depuis 5 ans sont entrés dans un chemin de discernement et pour certains d’entre eux, ont vécu un retour aux sacrements.

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Les évangiles ne cessent de nous rapporter des rencontres de Jésus avec des personnes marginalisées (Bartimée, Zachée, la femme adultère, la samaritaine, la syro-phénicienne…). Avec chacune d’elles, il se montre à la fois écoutant et plein de miséricorde à leur égard, mais aussi exigeant et en vérité pour leur ouvrir un chemin de liberté. Tous ceux qui s’offusquent de cette attitude de Jésus sont rabroués et invités à se convertir eux aussi (Lc 7, 36-50 ; Mc 10, 46-52 ; Jn 8, 1-11…). « Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile ! » (AL 297)

Si la visée de cette exhortation de François est foncièrement nouvelle, c’est parce que le pape sort d’un discours sur le mode légaliste du permis/défendu. Beaucoup de catholiques s’y étaient habitués et parfois complus, parce que, malgré le cléricalisme que ce langage met en exergue, il a pu arriver aussi à des baptisés de trouver plus simple de se conformer à une règle plutôt que de l’interroger par sa conscience éclairée au nom même du sens de la foi.

Nous le savons tous, le discours antérieur de l’Église, qui consistait entre autres à exclure à vie de tous les sacrements les personnes dites « divorcées-remariées », a provoqué la désertion d’un très grand nombre de baptisés de toute vie d’Église, la clandestinité de quelques-uns et la persévérance bridée d’un petit reste. Le pape François a mis un terme à ce discours (AL 301) et à cette attitude, considérant que chaque situation est singulière et qu’elle nécessite un accompagnement pour permettre aux personnes « un discernement à la fois personnel et pastoral approprié » (AL 298).

La vocation et l’idéal du mariage sacramentel sont bien entendu – et heureusement – largement soulignés et promus par le pape François dans son exhortation sur la famille (chapitres 3, 4, 5). Il n’en demeure pas moins que si le sacrement du mariage est signe de l’amour entre le Christ et l’Église, il en est un « signe imparfait » (AL 72), et lorsque cette imperfection se manifeste dans des échecs, ils engendrent alors beaucoup de souffrances. Au lieu d’amplifier la souffrance de ces personnes par des paroles ou des regards qui condamnent, chaque baptisé est invité à se convertir (AL 308), chaque baptisé est attendu, car l’Église se doit d’accompagner et d’intégrer les personnes en fragilité comme le Christ le faisait.

« La route de l’Église est […] de répandre la miséricorde de Dieu sur toutes les personnes qui la demandent d’un cœur sincère » (AL 296). A l’appel du pape François, et selon ses indications, la paroisse Saint-Gabriel de Vaise propose à ceux qui le souhaitent les Cheminements Amoris Lætitia. Ils s’adressent à des baptisés vivant une nouvelle union qui s’interrogent sur leur place et leur mission dans l’Église. Accompagné par le curé de la paroisse, c’est un groupe qui se réunit régulièrement. Fondé sur la Parole de Dieu (en particulier Mc 10, 46-52), chaque membre de ce groupe chemine en se laissant interroger par les domaines de discernement proposés par le pape François (AL 300). Par un discernement personnel et pastoral qui s’affermit au long du chemin, les participants sont amenés à entendre la question que Jésus pose à Bartimée : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » (Mc 10, 51) et à y répondre. Selon les personnes, ce processus d’intégration sera le moyen d’une présence plus épanouie dans la communauté paroissiale, ou bien le déclenchement d’une démarche de réconciliation, ou encore la possibilité et la joie de vivre un retour aux sacrements (AL, notes 336 et 351). Tout au long de ce cheminement spirituel, le prêtre de la paroisse se tient personnellement à la disposition de chacun pour un dialogue au « for interne » (AL 300).

En effet, pour les personnes qui considèreraient en conscience que rompre « une nouvelle union consolidée dans le temps, avec de nouveaux enfants, avec une fidélité prouvée, un don de soi généreux, un engagement chrétien… » (AL 298) est une faute grave, est possible un chemin de discernement où la porte des sacrements reste ouverte (EG 47). Absolument aucune personne ne peut se prévaloir digne de communier au Corps du Christ : prêtres et fidèles, du néophyte jusqu’au pape, tous reconnaissent et disent ensemble : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. » « L’eucharistie n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (AL note 351, EG 47). En revanche, chacun, sans doute, est invité à vérifier a posteriori les fruits de cette communion et, finalement, sa dignité à l’avoir reçue : « Lorsque ceux qui communient refusent de s’engager pour les pauvres et les souffrants ou approuvent différentes formes de division, de mépris et d’injustice, l’Eucharistie est reçue de façon indigne. » (AL 186)

Nul n’est « privé de la grâce sanctifiante » (AL 301), les sacrements nous le manifestent, et l’Église n’est pas là pour contrôler la grâce mais pour la faciliter (AL 310). Dans son long discours sur « le pain de vie », Jésus affirme que c’est une question de vie ou de mort pour notre foi : « Amen, amen, je vous le dis : si vous ne mangez pas la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez pas son sang, vous n’avez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. » (Jn 6, 53-54)

Ma plus grande espérance, c’est que toute la communauté paroissiale puisse convertir son regard pour intégrer et se réjouir que plus personne ne soit marginalisé en son sein.

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