Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon
Père Franck GACOGNE

19e dimanche du temps ordinaire A – 9 août 2020

1 R 19, 9-13 – Ps 84 – Rm 9, 1-5 – Mt 14, 22-33

Homélie du P. Franck Gacogne.

            La foi chrétienne n’est pas à notre initiative personnelle, elle est réponse, dans notre histoire, à une proposition d’Alliance. Jésus se propose de nous rejoindre dans la barque. Cette barque qui est notre vie quotidienne, mais aussi l’Eglise, navigue tant bien que mal tantôt au beau milieu de tempêtes, tantôt dans des eaux tranquilles. La foi, est la démarche intérieure qui nous fait accepter que Jésus s’embarque à nos côtés en lui disant notre confiance. Nous disons souvent que la foi est un don de Dieu. Oui, mais ne pensons pas que ce don puisse être arbitraire, comme si Dieu pouvait « s’amuser » à donner la foi à l’un et la refuser à l’autre. Elle est bien offerte à tous, car c’est Dieu lui-même qui se donne. Devient croyant celui qui découvre et accepte tôt ou tard cette alliance qu’il nous propose. Beaucoup d’entre-nous s’interrogent parfois douloureusement sur la transmission : « qu’ai-je fais, ou que n’ai-je pas fait » pour que mes enfants, mes petits enfants ne soient pas croyants ? Dans la foi, il y a bien un double mouvement ; à la fois quelque chose qui vient de Dieu, mais aussi notre consentement. Nous ne pouvons pas croire en Dieu si nous n’avons jamais entendu parlé de lui. C’est d’ailleurs pourquoi il est important et même indispensable que les chrétiens soient les témoins de ce qu’ils croient, mais en entendre parler ne suffit pas, car la foi ne se transmets pas. Fondamentalement, en effet, nous n’avons pas le pouvoir de transmettre la foi. Nous pouvons veiller aux conditions qui rendent la foi possible, compréhensible, désirable. Mais notre pouvoir s’arrête là : aux conditions de possibilité. Car la transmission de la foi elle-même n’est pas de notre ressort. Elle sera toujours aussi le fruit de la grâce de Dieu et de la liberté des hommes.omme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Voilà le reproche de Jésus à Pierre dans cet évangile. Nous sommes rassemblés dans cette église en raison de notre foi chrétienne. Tout à l’heure, nous dirons ensemble le credo, la foi de l’Eglise. Le signe de croix dont nous nous sommes marqués au début de cette célébration est bien le signe de la foi qui nous rassemble. Mais cette foi, cette croyance en Dieu Père, Fils et Esprit-Saint, pouvons-nous l’évaluer, pouvons-nous en mesurer l’importance ? Pouvons-nous la quantifier ? Au moment précis et pour le seul instant où Pierre perd confiance, Jésus lui déclare qu’il a peu de foi, c’est raide, d’autant qu’un peu plus loin dans l’évangile lorsque Jésus rencontrera une femme païenne de la région de Tyr et de Sidon, il sera frappé et émerveillé par « sa grande foi ». N’est-ce pas injuste ? Il semble que la foi soit l’un des messages des textes de ce jour. Avons-nous la même demande que les apôtres qui, dans l’évangile de Luc, demandent à Jésus d’augmenter en eux la foi ?

            La foi c’est bien souvent un appel déchirant quand nous sommes au cœur des difficultés, quand nous sommes dans l’épreuve. C’est le cri de Pierre qui s’enfonce : « Seigneur, sauve-moi ! ». Parce que Jésus a traversé l’épreuve de la mort et qu’il en est sorti victorieux (sa marche sur l’eau est en le signe), Jésus est bien là pour saisir la main de Pierre. Mais Jésus n’est pas qu’une bouée de sauvetage que l’on utilise, heureusement rarement, mais toujours précipitamment. Jésus est la bouée ordinaire avec laquelle on a progressivement et paisiblement appris à nager, la bouée rassurante et toujours nécessaire aujourd’hui pour aller au large, se risquer plus loin. Ainsi en va-t-il ordinairement de notre foi en lui. Et c’est d’ailleurs l’expérience d’Elie qui attend la manifestation de Dieu. Habituellement, c’est bien l’ouragan, le tremblement de terre et le feu qui sont des signes de sa présence, mais cette fois-ci, c’est dans « le murmure d’une brise légère » qu’il perçoit sa présence. Dieu se révèle dans l’intimité du cœur de chacun, non pas dans le tumulte, mais dans l’ordinaire, le silence et l’apaisement.

            Il arrive que nous demandions ou que nous espérons des signes voire des miracles pour, pensons-nous, renforcer notre foi. Au milieu de la tempête, Jésus vint vers ses disciples en marchant sur la mer. Ce n’est pas banal ! Eh bien devant un tel prodige, au lieu de croire qu’il est Dieu, il le prenne pour un fantôme et ils sont apeurés. Par contre, c’est lorsqu’il sera monté avec eux dans la barque, c’est à dire lorsqu’il aura rejoint l’ordinaire de leur vie, et c’est seulement quand tout est apaisé, que le vent est tombé, que les disciples seront capables d’un véritable acte de foi : « Vraiment, tu es le Fils de Dieu ». Dieu est souvent absent là où ma foi cherche des signes et des preuves de son existence, car si j’en trouvais, ma foi n’aurait plus de raison d’être, elle serait contrainte et anéantie par ces supposées preuves, alors que l’adhésion au Christ n’est que liberté. La foi, c’est en fait le doute surmonté !

            Devant l’immense défi de l’indifférence, comment donner le goût de croire ? Nous entendons parfois : « A quoi cela sert-il d’être croyants, si les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres ? » Cela ne me réjouis pas, mais intérieurement, je me dis « tant mieux ! », car cette remarque porte au moins l’avantage de ne pas réduire la foi chrétienne à une morale. Croire en Jésus-Christ, cela ne sert pas à ceci ou à cela, comme un outil bien pratique qu’on prend ou qu’on jette. Croire en Jésus-Christ c’est entretenir une amitié sincère, vraie et profonde avec le Christ. Et comme toute amitié véritable, cela ça n’a pas de prix, cela ne se mesure pas, mais pour rien au monde nous ne voudrions rompre cette Alliance.

            Que cette eucharistie nourrisse en chacun de nous cette amitié, et que nous en soyons témoin. Amen.