Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

19e dimanche du temps ordinaire C – 7 août 2022
Sg 18, 6-9 – Ps 32 (33) – He 11, 1-2.8-19 – Lc 12, 32-48
Homélie du P. Franck Gacogne

Avez-vous remarqué l’expression qui revient le plus souvent dans cet extrait de la lettre aux Hébreux ? « Grâce à la foi » ou « dans la foi », cité 5 fois. « Grâce à la foi Abraham obéit à l’appel de Dieu… Grâce à la foi, il vint séjourner en immigré dans la Terre promise… Grâce à la foi Sara fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance… ect… » Qu’en pensons-nous ? Que la foi est un coup de baguette magique qui ne marche que pour les autres ? Ou bien alors qu’on ne doit pas en avoir assez ?

Je pense que dès le départ nous nous trompons en utilisant le mot « foi » dans des expressions qui en détournent le sens, par exemple quand nous disons ou que nous entendons : « J’ai trouvé la foi… J’ai perdu la foi… » ou même : « J’ai la foi ! », ces expressions font de la « foi » un objet que nous pouvons posséder ou acquérir dont on serait, ou non, équipé. Eh bien non, la foi n’est pas un objet, mais elle est un mouvement, une dynamique intérieure qui nécessite toujours un choix, une décision personnelle et en conscience ! On devient croyant : la nouveauté radicale de la foi n’a rien d’un acquis initial. La foi, ce n’est pas l’évidence, mais c’est le doute qui est surmonté, l’adhésion, l’engagement. On ne naît pas chrétien, on le « devient ». Je ne peux pas dire « j’ai la foi », mais je peux dire « J’espère croire, je désire croire, j’essaye de croire »… et la raison en est claire : c’est l’Autre, c’est Dieu qui sait et qui peut dire si je crois en lui, c’est-à-dire si l’image que j’en ai est juste. Si j’affirme sans nuance mon assurance de croire, je prends la place du Christ, je risque de le dénaturer en faisant les questions et les réponses. Croire n’est pas un savoir. S’il nous est demandé de « croire » en Dieu, c’est précisément parce qu’il n’est pas évident que Dieu soit ! Croire ne fige pas Dieu, mais le respecte et le transcende. Quand on dit « je crois », on déclare une confiance – foi et confiance viennent du même mot – : on se fie à quelqu’un. Dans ce « je crois » que nous dirons tout à l’heure, nous n’énonçons pas notre opinion du moment, molle et peu assurée, non, nous disons la force d’un engagement et d’une adhésion dans un acte de confiance. « Je crois en Dieu », cela veut dire : je lui fais confiance pour me conduire à « la vie éternelle », c’est le dernier mot du Credo, je m’engage en Eglise à suivre le Christ et l’Evangile pour atteindre ce but, la vie avec Dieu en communion avec tous les frères. La foi, c’est l’acte de marcher, d’aller de l’avant, sans s’arrêter ni regarder en arrière, l’acte de se laisser aspirer par un terme infini dont nous ne savons rien sinon qu’il est notre raison d’exister. Ce n’est pas remettre notre vie dans la main d’un inconnu, mais c’est la prendre en charge, lui offrir le plus grand des bonheurs et lui assigner un but.

On entend parfois dire : ça, c’est une « vérité de foi ». Il n’y a de vérité de foi que parce que je crois que Celui en qui je mets ma confiance ne peut pas me tromper, qu’il est vrai au sens où il me dit « je suis le chemin, la vérité et la vie ». Dans l’ordre de la foi, l’exercice de l’intelligence est non seulement possible, mais il est nécessaire et requis. Voilà pourquoi il existe des formations pour approfondir la foi, pour éveiller en nous l’intelligence de la foi. Croire ne doit jamais s’opposer à sa volonté, son intelligence, sa raison et sa conscience. La foi n’est pas un acte formel de soumission servile à tels ou tels énoncés dont la crédibilité serait garantie par des instances supérieures, et qui dispenseraient le « croyant » de toute décision et de tout engagement personnel. La foi ne peut être qu’un acquiescement qui met en jeu – en mouvement – toute la personne, toute son intelligence, toute sa capacité de questionnement, toute sa faculté de comprendre.

Reste la question clé : « A quoi ça sert de croire ? ». Eh bien je vais peut-être vous étonner, mais stricto sensu, cela ne sert à rien, au sens où Dieu n’est pas un outil utile pour me servir. La foi, c’est comme l’amour authentique, a priori, cela ne sert à rien, mais qui pourrait s’en passer ? C’est quand c’est amour reçu et donné est gratuit et désintéressé qu’il fait sens. La foi ne change rien, comme la lumière ne change pas les choses qu’elle éclaire, elle nous donne seulement, et ce n’est pas rien, de les voir !

Enfin il y a une préoccupation, parfois lancinante, pour beaucoup d’entre-nous qui prenons de l’âge : « Oui, mais mes enfants, mes petits enfants ne sont pas du tout croyants » Fondamentalement, en effet, nous n’avons pas le pouvoir de transmettre la foi (puisqu’elle n’est pas un objet que l’on possède). Nous ne pouvons que veiller aux conditions qui rendent la foi possible, compréhensible, et surtout désirable ; mais notre pouvoir s’arrête là : aux conditions de possibilité. Car la transmission de la foi elle-même n’est pas de notre ressort. Elle sera toujours en même temps le fruit de la grâce de Dieu, mais aussi celle de la liberté de chacun. Car dans la foi, il y a bien un double mouvement ; quelque chose qui vient de Dieu et aussi notre consentement à son égard. Mais nous ne pouvons pas croire en Dieu si nous n’avons jamais entendu parlé de lui. C’est d’ailleurs pourquoi il est important et même indispensable que nous soyons les témoins, chacun à notre façon, de ce que nous croyons, ce que nous avons reçus. Et nous pourrions reprendre les mots de Sainte Bernadette Soubirous : « je ne suis pas chargé de vous le faire croire, mais de vous le dire ». Amen.