Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

27e dimanche du temps ordinaire B – 3 octobre 2021
Gn 2, 18-24 – Ps 127 (128) – He 2, 9-11 – Mc 10, 2-16
Homélie du P. Franck Gacogne

Nous venons d’entendre ce récit de la Genèse. Et beaucoup de gens autour de vous disent : « Mais ce n’est pas vrai, vous continuez encore à lire ces fables ! ». J’espère que nous ne nous contentons pas de leur répondre : « Eh bien si, moi j’y crois ! » Car une réponse aussi laconique ne peut qu’accentuer la fracture et l’incompréhension entre ceux qui connaissent ces textes mais pour s’en moquer et les rejeter sans nuance, et des croyants qui sont désireux de nourrir leur foi mais bien empêtrés à chercher quelle interprétation en donner. Soyons bien clair, le texte de la Genèse est Parole de Dieu non pas en se situant sur le registre du « comment » les choses se sont passées, mais sur le registre du « pourquoi » elles se sont passées. Le récit de la Genèse cherche à donner un sens à la chronologie des choses qui arrivent. Le livre de la Genèse raconte une histoire fausse, un mythe, mais à travers lequel Dieu vivant et vrai se révèle, c’est-à-dire qu’à travers ce récit, nous pouvons saisir, non pas ce que Dieu fait, mais ce qu’il est et ce qu’il veut. Je peux vous assurer que la fiction est un puissant langage pour dire la vérité des choses ! Ceci posé, je vous propose donc 3 éléments d’éclaircissement que je relève de ce récit :

• Tout d’abord, nous appelons souvent ce texte celui de la création, et non pas celui de la fabrication de l’homme. La différence est importante ! C’est pour cela que c’est l’image du potier, l’image de l’artisan qui est utilisée. Celui qui façonne avec de la terre est intimement lié avec ce qu’il modèle, ce qu’il fait naître de ses mains. Il lui donne toute sa capacité, son talent son souffle, sa vie ; mais dans le but que ce qu’il fait advenir soit unique, puisse naître, se détacher de lui, parce que Dieu nous crée libre. Cette création n’est d’ailleurs pas achevée : Créé à l’image de Dieu, Dieu nous met en capacité de réaliser et d’inventer librement la manière d’accorder notre vie à la sienne pour en réaliser la ressemblance. Dans les versets qui précèdent, Adam est ainsi façonné. Attention, Adam, ce n’est pas le nom du premier homme mâle sur terre. Non, il n’y a jamais eu de Mr Adam ou de Mme Eve. Adam vient de l’hébreu « adama » qui signifie, « tiré de la terre » pour qualifier tout le genre humain pétris et désiré de Dieu. L’hébreu « Adam » veut dire l’homme au sens générique et non pas le masculin. Dans les versets que nous avons entendus c’est ce mot Adam qui a été maladroitement traduit en français pas homme, qu’il faut donc comprendre comme « humanité ».

• Nous avons entendu : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul. Je vais lui faire une aide qui lui correspondra ». « Lui faire une aide » ! Beaucoup s’appuie là-dessus pour qualifier la religion de misogyne. Sauf que le mot qui est traduit en français par « une aide pour l’homme » est utilisé ailleurs dans la Bible non pas pour parler d’une servante ou d’une « bonniche », mais pour qualifier Dieu lui-même. Voilà qui change l’horizon ! Quand dans la Bible le croyant exprime cette prière : « Dieu, viens à mon aide », c’est le même mot ezer qui est utilisé. Voilà qui change la perspective : la femme devient une aide divine pour l’homme parce qu’il ne peut parvenir à la vie sans elle. Et puis spontanément, nous comprenons « une aide » comme une subordination, alors que lorsque l’on pense aux aides médicales à domicile, aux aides-soignantes, aux aides pour un soutien scolaire que sais-je, celui, celle qui vient en aide à quelqu’un, n’est pas en position inférieur. C’est bien plutôt le contraire qui est vrai : sa présence est attendue, espérée, indispensable.

• 3ème point, c’est la fameuse histoire de la côte d’Adam avec laquelle Dieu semble façonner la femme ! Prenons d’abord conscience que la toute première parole de l’homme dans la Bible et que l’on trouve dans ce récit, c’est une exclamation admirative, émerveillée devant la femme : « Cette fois-ci, voilà l’os de mes os et la chair de ma chair ! ». Paul Beauchamp dit magnifiquement : « Vint la femme, et advint à l’homme la parole ». En effet, ce n’est qu’à cet instant que de l’humanité commune – adam – naît la distinction et la complémentarité homme/femme par l’apparition de deux nouveaux mots en hébreu : Ish, pour l’homme et Ishsha, pour la femme. Ce point est essentiel, car il signifie que la femme n’est pas faite à partir de l’homme, mais à partir de l’adam, dont l’homme est également engendré au même moment. On mesure le bouleversement que le respect de ce détail introduit et la pauvreté de notre langue française qui ne permet pas ici de relever la richesse de l’hébreu. Une lecture précise du texte originel permet ainsi d’évacuer la fausse vision chronologique et pourtant si prégnante de la création de la femme qui succéderait à celle de l’homme.

Il me semblait nécessaire de prendre le temps de décrypter ces quelques points de ce récit de la Genèse tant son statut et son contenu suscite l’incompréhension.

Du coup, je ne vais pas beaucoup m’attarder sur l’Evangile. Mais simplement dire que nous voyons au temps de Jésus combien les pharisiens s’étaient écartés de ce récit originel, et comment ils avaient pu se faire aménager par Moïse une loi en leur faveur à eux, les hommes. Eh bien Jésus lui, ramène l’équilibre strict : « celui qui renvoie sa femme pour en épouser une autre est coupable d’adultère envers elle. Celle qui renvoie son mari pour en épouser un autre est coupable d’adultère envers lui ».

Mais prenons surtout conscience que Jésus invite les pharisiens à sortir d’une approche légaliste, d’une conception stérile du permis/défendu qui infantilise qui ne sollicite ni sa conscience ni son discernement. Jésus ne rencontre jamais des cas d’adultère ou des cas de divorce. En revanche, il rencontre souvent des personnes cabossées, meurtries, anéanties par leur histoire. Jésus n’a qu’une attitude envers elles : être en vérité pour les écouter, les considérer, alléger leur fardeau, leur redonner espérance et les réintégrer.

C’est cette attitude de Jésus que le pape François nous demande d’accomplir dans sa magnifique exhortation « Amoris Laetitia » concernant les familles. Le pape François souhaite tout particulièrement cette année que nous soyons attentifs à cette exhortation pour découvrir la conversion à laquelle ce texte nous appelle afin de savoir accueillir et intégrer tout le monde dans nos lieux de vie et dans notre communauté paroissiale. Amen.