Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

2ème dimanche de Carême B – 28 février 2021
Gn 22, 1-2.9-13.15-18 – Ps 115 (116) – Rm 8, 31b-34 – Mc 9, 2-10
Homélie du P. Franck Gacogne

« Ses vêtements devinrent resplendissants, d’une blancheur telle que personne sur terre ne peut obtenir une blancheur pareille ». Autrement dit : « plus blanc que blanc ! ». A se demander si Coluche ne s’est pas inspiré de l’évangile pour écrire ses sketchs !

Cet évangile que nous venons d’entendre, nous l’appelons souvent la « transfiguration », mais en fait, il serait plus juste de l’appeler la « métamorphose » parce que c’est bien ce mot de « métamorphose » qui est utilisé dans le texte original en grec chez Marc comme chez Matthieu pour dire la puissance de l’événement dont ils ont été témoin. C’est bien différent dans l’évangile de Luc qui n’évoque qu’un simple changement d’aspect. A travers le récit de cet évènement, Marc l’évangéliste semble vraiment vouloir signifier une nouveauté : Jésus se présente ici autrement, tout Autre. Nous sommes au chapitre 9, et tout cela semble arriver à point.

En effet, nous voyons dans les passages qui précèdent que Jésus est bien connu dans son pays, il est de « chez nous » (6, 3) disent ceux qui l’accompagnent, les disciples ne comprennent pas le sens de ce qu’il accomplit (6, 52), la succession des signes semblent ne pas les éclairer (8, 11.18), jusqu’à s’interroger sur son identité même (8, 28). La première annonce de sa Passion est incompréhensible (8, 32). Le moment semble alors venu pour Jésus, non pas de se manifester encore par un signe – car visiblement, ils sont sans effet – mais bien au contraire de laisser son Père le manifester comme « son Fils bien-aimé ». C’est là je crois, qu’est l’une des clés de compréhension de cet évangile. Le sujet de la transfiguration, ce n’est pas Jésus, mais le Père. Jésus, lui, en est le bénéficiaire. Jésus n’est pas acteur de sa propre transfiguration. Il est transfiguré. Il est le réceptacle du visage de Dieu et il en prend toutes les couleurs. Voilà que pour Pierre Jacques et Jean, c’est un tournant, l’incarnation devient perceptible, le visage de Dieu a dorénavant des traits, un contour. C’est l’un des très rares passages des évangiles avec le baptême de Jésus ou c’est non pas Jésus qui nous parle de son Père, mais le Père qui nous révèle que Jésus est son Fils bien-aimé et ici, il nous invite à l’écouter.

En quoi la transfiguration nous concerne-t-elle aujourd’hui ? Je me souviens du témoignage d’une aide-soignante que j’ai croisé il y a quelques années. Elle travaillait dans un service pour les grands brûlés. Elle me disait qu’au début, elle avait d’énormes difficultés à oser poser son regard sur une personne défigurée, à oser la soigner et regarder son visage méconnaissable. Et pourtant après quelques temps, elle prenait goût à cette relation et à ces soins parce, disait-elle, « à travers les yeux pétillants de cette personne, je découvre toute son intériorité qui semble me remercier de prendre soin d’elle, et tenter de lui rendre une dignité humaine, une dignité d’enfant de Dieu ». Et si la transfiguration, c’était tenter d’aller au-delà de ce qu’il nous est donné de voir, d’aller au-delà de l’apparence pour découvrir en chacun comment Dieu se rend présent et comment il le remplit de tout son amour. Mieux encore, dans l’exemple que j’ai donné, c’est même cette personne malade qui a transfiguré le visage de cette aide-soignante, l’aidant à passer d’un regard de répulsion et de crainte, à un regard de compassion, et même de complicité. On est transfiguré par un autre.

Vous vous rappelez ces trois portes d’entrées pour le carême : le jeûne, le partage et la prière. Nous les avons entendues le mercredi des Cendres. Et pour chacune d’elles une invitation à « ne pas se composer une mine défaite mais au contraire à se parfumer la tête, à se laver le visage ». Non pas pour faire « bonne figure », c’est à dire se forcer ou faire comme si tout allait toujours bien, mais simplement parce que si orienter sa vie vers le Christ est source de joie et de bonheur, alors cela doit se voir. Je crois que le Carême peut être pour chacun d’entre nous le déclencheur d’une vie transfiguré. Si nous ressortons de la messe la tête baissée et la mine défaite, ou bien si nous ressortons exactement comme nous y sommes arrivés, cela laisserait penser que rien de bien transcendant, rien de bien transfigurant ne s’y est passé !

Que ta clarté Seigneur transfigure toute notre vie pour qu’elle stimule en nous des attitudes, des comportements qui annonce ta résurrection. Que ta clarté Seigneur transforme notre regard pour qu’en toutes circonstances et en tous lieux nous soyons convaincus « qu’il est heureux que nous soyons ici ! » Amen.