30ème dimanche du temps ordinaire – 27 octobre 2024
Jr 31, 7-9 – Ps 125 (126) 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 – He 5, 1-6 – Mc 10, 46b-52
Homélie de Eric de Nattes
Faire écran ou conduire à Jésus !
Lorsqu’on a été touché au cœur par Jésus, qu’il est entré dans notre vie, on ressent combien son regard, son amitié, son amour vrai, tend à se communiquer, à se diffuser. L’amour en son essence est missionnaire. Et puis vient le temps où l’on réalise que ce qu’on l’on est, avec toutes ses limites, peut faire écran et empêcher l’autre d’accéder au trésor de notre foi : le lien personnel avec Jésus.
Que de parents disent leur souffrance devant l’échec de la transmission de la foi à leurs enfants. Que de couples ou la foi de l’un n’a pas été contagieuse pour l’autre, et cela demeure une blessure intime : ne pas avoir en partage ce trésor du cœur. Que de communautés chrétiennes questionnées par leur peu de rayonnement. Oui, un trésor contenu dans des vases d’argiles.
Je suis touché par la scène qui s’est déroulé sous nos yeux à la lecture de l’Évangile. « Une foule nombreuse » nous dit-on à la sortie de Jéricho. Elle fait signe, pour cet aveugle sur le bord de la route, de la présence de Jésus. Comment saurait-il sans cela que c’est Jésus de Nazareth qui passe ? Et pourtant, cette même foule fait écran lorsqu’il se met à crier pour le rencontrer. Cela a donc toujours été. Vecteur et écran. Quelle tristesse dans une vie de prêtre, que toutes ces confidences reçues vous disant que telle parole jugeante d’un prêtre, telle attitude rigide ou méchante de cette religieuse qui faisait le caté, telle hypocrisie de l’entourage pourtant pratiquant, avait fait écran, durablement, et empêché de croiser le regard de Jésus, sur le chemin de la vie.
Seigneur, en cet instant, nous te demandons pardon, humblement. Comme le pape l’a fait au début du synode : pour toutes les fois où nous avons jugé et condamné au lieu de prendre soin ; où nous avons jeté la vérité à la face des autres comme des pierres lancées ; ou nous avons transformé l’autorité en pouvoir… Nous sentons combien notre proximité avec toi doit continuer à changer en profondeur notre cœur, notre regard, nos paroles. Nous manquons tellement de fraternité parfois entre nous et avec le monde. Et pourtant, dans le même temps nous te rendons grâce, pour toutes celles et ceux qui dans nos vies, nous ont pris par la main et ont fait résonner dans nos cœurs, d’une manière ou d’une autre, ces trois mots merveilleux : « Confiance », aies foi, tu peux croire en lui ; « Lève-toi », avec lui la vie est toujours soulevée, suscitée à nouveau ; « Il t’appelle », oui, toi, car il veut te rencontrer personnellement, au point de devenir ton compagnon de route, et peut-être même, si tu le désires, de demeurer chez toi ! Un immense merci à eux à elles, prêtres, religieux, religieuses, catéchistes, familles et proches.
Que veux-tu que je fasse pour toi ? Tu sais tout, Seigneur, pourquoi me demander ? Parce que tu veux que j’exprime mon désir. Comme un enfant. Tu t’adresses au cœur. Et même quand il me semble que j’ai tout pour vivre, peut-être est-ce là que je dois entrer en moi pour discerner ce qui me manque. Car tu le sais, nous manquons toujours de toi, d’être toujours plus vivant dans ton amour. Toujours plus d’entrer dans la confiance et de m’en remettre à toi, dans la foi. Tu as entendu la demande étonnante des deux frères, Jacques et Jean. Et à travers leur demande d’obtenir un privilège dont ils ne mesurent pas les conséquences, tu as entendu leur désir d’être si proche de toi. Patiemment tu conduis notre désir, tu le mènes à sa plénitude qui est le Père lui-même. Aujourd’hui, le miracle de rendre la vue à cet aveugle, n’est-il pas le signe de son désir profond de te voir, toi, de voir le salut qui vient de toi, de voir Dieu ainsi que nous le chantons dans une attitude de contemplation. N’était-ce pas déjà l’assurance que Job criait au milieu de sa détresse : je sais que mon Sauveur est vivant, qu’au dernier jour je surgirai de la terre, et de mes yeux, je le verrai, mon Rédempteur ! Oui, tout est signe de la vie en surabondance que tu nous donnes.
Une vraie rencontre. Bartimée était un mendiant, aveugle, assis sur le bord du chemin, quêtant quelques biens pour rester en vie. Une métaphore d’une vie qui n’est pas vraiment vivante. Désormais il voit, il est vivant, debout, et sait où demeure son bien véritable, il est sur le chemin, en compagnonnage avec toi, Seigneur, il est disciple. Il t’avait donné un titre messianique « Jésus, fils de David », et maintenant il te dit « Rabounni », cher maître, mon maître à moi, une appellation pleine d’affection, car il sait qu’il est désormais ton ami. Benoît XVI disait qu’à l’origine du fait chrétien, il n’y avait pas une grande idée, ou une morale d’exception, il y avait l’événement d’une rencontre qui changeait tout dans la vie.
Seigneur, si nous sommes là rassemblés en cet instant, c’est bien pour te rencontrer, réchauffe nos cœurs à ta parole, nourris nos vies à ton corps et ton sang, accueille nos demandes et conduis à leur accomplissement, fais de nous un peuple de disciples qui témoignent de ton passage dans nos vies.