Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

La Sainte Famille C – 26 décembre 2021
1 S 1, 20-22.24-28 – Ps 83 (84) – 1 Jn 3, 1-2.21-24 – Lc 2, 41-52
Homélie du P. Franck Gacogne

Nous fêtons la sainte famille, c’est à dire que nous fêtons 30 ans de la vie de Jésus avec Marie et Joseph. Une période très longue dont les évangiles ne nous disent absolument rien ou presque, tout simplement parce qu’il s’agit sans doute d’une vie de famille ordinaire. Et j’aime souvent à méditer sur le mûrissement qu’ont été toutes ces années pour Jésus et dont nous n’en connaissons que les fruits. Jésus fait l’apprentissage de la vie aux côtés de ses parents qui lui transmettent ce qu’ils ont de plus précieux : leur foi, la profondeur des relations humaines, leurs expériences spirituelles. Il suffit pour s’en convaincre de voir l’étonnement des contemporains de Jésus devant sa connaissance de la loi juive, leur étonnement devant l’observation méticuleuse de la nature qui vient toujours appuyer et éclaircir ses propos quand il leur parle en paraboles. Cette famille est pour Jésus un lieu de croissance, de développement de sa personnalité, le lieu d’une prise de conscience petit à petit de la mission qui lui est confiée, d’une découverte progressive de sa filiation divine. Jésus prend le temps, 30 ans pour se laisser guider par ses parents, pour faire sa propre expérience de la vie avant de se consacrer à sa mission, avant de révéler le Dieu d’amour à tous les hommes. Je crois que cette fête nous invite à regarder nos propres familles sans naïveté béate, mais avec recul et bienveillance, méditer sur le temps et la croissance, sur le mûrissement humain et spirituel de chacun.

Dans l’ensemble des évangiles, cet épisode est le seul qui traite de la jeunesse de Jésus. Il nous révèle l’enracinement de Jésus et de sa famille dans les coutumes juives. Le pèlerinage annuel à Jérusalem fait partie des traditions et on le fait en famille, dès que l’on a atteint l’âge de douze ans. Le récit ne s’attarde pas sur les célébrations de la Pâque, mais il rapporte un incident qui a lieu sur le chemin du retour.

Parler de la sainte famille ne signifie pas qu’il faille reproduire, imiter ou calquer dans nos propres foyers à ce que Jésus, Marie et Joseph ont vécu, car d’ailleurs si l’on y regarde de près, l’évangile met en avant un enfant guère obéissant à ses parents, mais aussi des parents peu attentifs à leur progéniture puisqu’il leur faut 24 heures pour se rendre compte de son absence. Ce texte n’est donc pas là pour nous donner des leçons ou des indications morales sur la façon de vivre en famille, la pointe de cet évangile est bien ailleurs. Jésus vit une relation privilégié avec celui qu’il appelle son Père en le différenciant de Joseph. Quand ses parents le retrouve trois jours après au Temple, Marie lui dit « Vois comme ton père et moi nous avons souffert en te cherchant ! » « Ton père et moi ! », et voilà que Jésus dans sa réponse les renvoie à un autre Père avec un P majuscule, « Il me faut être chez mon Père ! » Il y a de quoi déstabiliser Marie et Joseph qui ne comprennent pas suffisamment encore que Jésus est plus que ce qu’il en perçoive.

Toute proportions gardées bien sûr, nous le voyons bien dans les familles, jusqu’à un certain âge, les parents sont pour les enfants la référence. Ceux qui savent, qui répondent à toutes leurs questions, Et puis il arrive un moment ou l’enfant va avoir d’autres référents, il va s’identifier, mettre en avant d’autres personnes. Ici dans notre texte, un Père se substitue à l’autre. Le charpentier doit céder sa place, Jésus revendique une autre filiation. On imagine sans mal toute l’incompréhension et sans doute la tension qui devait habiter ce moment. Aimer c’est accepter qu’une distance s’instaure, une distance entre les parents et les enfants, car c’est précisément parce qu’on les aime que l’on doit souhaiter qu’ils puissent prendre leur autonomie, leur envol. C’est parce qu’on les aime que l’on doit pouvoir se réjouir qu’ils s’épanouissent avec d’autres. C’est bien avec cette visée que les parents mettent tous leurs efforts et leur patience dans l’éducation, certain espérant que le moment venu de leur lâcher la main ne vienne pas trop vite, d’autre s’impatientant beaucoup plus. Ce n’est pas moins l’aimer que de le voir s’éloigner. Ce que l’on a semé, d’autres en récolteront les fruits. C’est un peu ce qui se passe avec Jésus qui à la stupéfaction de ses parents fait jeu égal avec les docteurs de la Loi dans le Temple, mais en fin de compte, il ne fait que partager avec eux le savoir et la sagesse qu’il a reçu de ses parents.

Parfois en famille, quand quelque chose ne va pas, les parents se rejettent la responsabilité de l’éducation des enfants : « regarde ce qu’a fait ta fille », « tu as vu ce qu’est devenu ton fils » Je note que dans ce passage d’évangile, Marie et Joseph assume ensemble leur manque de vigilance, c’est Marie qui parle, mais elle le fait en disant un « nous » : « pourquoi nous as-tu fait cela ? » Il y a une incompréhension, mais pas de colère. Par le dialogue ils cherchent à se comprendre. Marie intériorise ces événements.

Le temps de Noël est souvent le moment choisi où la famille se retrouve. Que nous sachions dépasser les incompréhensions qui peuvent naître entre les générations, que nous sachions méditer ces occasions de rencontre dans nos cœurs, et qu’ils puissent nous aider comme Jésus à grandir en sagesse et en grâce. Amen.