Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

21e dimanche du temps ordinaire C – 21 août 2022
Is 66, 18-21 – Ps 116 (117) – He 12, 5-7.11-13 – Lc 13, 22-30
Homélie du P. Franck Gacogne

Le Salut comme un sablier !

« Seigneur, n’y a-t-il que peu de gens qui soient sauvés ? » On ne connait pas le contenu de l’enseignement de Jésus qui conduit la personne qui l’interpelle à penser cela, et semble-t-il à regretter que peu de gens soient sauvés. Qu’est-ce que le salut, qu’est-ce qu’être sauvé ? On en parle à longueur de liturgie, ce doit être essentiel ! Je crois qu’être sauvé c’est tout simplement être associé à la vie de Dieu, vivre, comme on le dit à la fin de la prière eucharistique « par lui, avec lui et en lui » dès aujourd’hui et pour l’éternité. L’Evangile parle ainsi souvent du Royaume de Dieu comme lieu du salut et l’image qu’utilise fréquemment Jésus pour l’évoquer est celle d’un festin. La personne qui s’adresse à Jésus semble bien se tromper, car Jésus explique précisément que l’on viendra des quatre coins du monde pour prendre place à ce festin et que par conséquent elles seront nombreuses les personnes à y participer, seulement voilà, il se pourrait bien que cela ne soit pas celles qu’on croit ! En fait Jésus ne parle pas d’un nombre limité de personnes admises au festin, bien au contraire, en revanche, il chamboule complètement les critères d’admission. Ceux qui entrent ne sont ni d’abord ceux qu’on croit, ni de la manière qu’on croit. Alors qui, et comment ? Je m’explique :

Tout d’abord, ce ne sont pas ceux qu’on croit parce que Jésus ne s’adresse pas aux huiles, aux VIP à ceux qui ont un billet coupe-file… mais d’abord aux derniers parce que Jésus vient les mettre à la première place. La descendance d’Abraham et de David, les juifs, les pharisiens que Jésus rencontre et qui l’interpellent ont une très haute estime d’eux-mêmes, convaincus d’être le peuple élu au sens d’être une exception qui le rend supérieur au reste de l’humanité parce que choisi par Dieu. Il y a jusqu’à aujourd’hui une incompréhension qui perdure sur la notion de peuple élu. Adrien Candiard, dominicain, en parle ainsi : « À Abraham, Dieu ne lui dit pas qu’il est le meilleur. Il lui dit : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12, 3). Cela ne veut nullement dire que Dieu préfère Abraham, ni qu’il préfère le peuple d’Israël. Cela veut même dire exactement le contraire… Il n’aime pas l’humanité, il aime chaque homme et chaque femme, un par un. Et pour nous le dire, il n’a trouvé d’autre moyen que l’élection. » De fait, Jésus annonce que « l’on viendra de l’orient et de l’occident, du nord et du midi prendre place au festin dans le royaume de Dieu » autrement dit de toute la terre, de toutes les nations et de toutes les croyances. C’est toute l’humanité qui est élue et qui invitée à la table du royaume.

Après cette précision sur « qui » est sauvé, Jésus explique « comment » être sauvé. Ceux qui l’accompagnent semblent persuadés de mériter ce salut parce que, disent-ils : « nous avons mangé et bu en ta présence et tu as enseigné sur nos places », ils cherchent ainsi à faire valoir leurs mérites. Mais ils s’enfoncent d’autant plus de la sorte devant Jésus qui n’a jamais réclamé de courtisans et qui fuit les mondanités. Ce n’est pas d’accumuler des mérites qui fait gagner le salut car le salut ne se gagne pas et ne s’achète encore moins : « pour les hommes, c’est impossible » (Mt 19, 26). Le salut n’est pas la conséquence de supposés mérites, mais celle de la grâce infinie de Dieu. Le salut est l’œuvre gratuite de Dieu qui se donne, il nous rende juste, il nous ajuste à lui si nous le consentons par notre foi. Voilà pourquoi la porte est étroite, il n’y a besoin que de la foi pour la franchir, c’est-à-dire de croire que Dieu n’est qu’amour et qu’il nous appelle. S’efforcer de franchir cette porte, c’est se désencombrer de tout le superflu qui nous rend hors gabarit. Pour franchir cette porte, il faut s’abaisser comme Jésus au lavement des pieds, se faire humble et dernier car c’est bien la place que choisi Jésus et parce qu’il est lui-même le passage : « Moi, je suis la porte. Si quelqu’un entre en passant par moi, il sera sauvé » (Jn 10, 9)

Il me vient une image qui pourrait bien représenter le salut ainsi proposé par Jésus, ce serait l’image d’un sablier comme on en trouvait jadis dans les jeux de société ou autrefois comme minuteur pour les œufs à la coque. Vous l’avez remarqué, il y a autant de place dans la partie supérieure que dans la partie inférieure de l’objet, tous ceux qui sont au-dessus peuvent donc trouver leur place en-dessous. Passer d’une partie à l’autre nécessite d’être retourné (se convertir) pour descendre : il faut se faire petit, et par ce retournement, les derniers grains deviennent premiers. Le passage est étroit parce que le Seigneur veut pouvoir nous accueillir chacun personnellement et entièrement, pour nous donner sa vie. Je termine encore par ces quelques mots d’Adrien Candiard qui illustrent si bien ce que je veux exprimer : « Dieu ne nous aime pas d’un amour général. Il nous aime, chacun, d’un amour particulier. Le vrai mystère de l’élection, c’est que chacun est élu ; Dieu ne préfère personne, ou plus précisément, il préfère tout le monde. Il nous distingue tous, il nous choisit tous un par un. » Amen.