Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon
Michel Quesnel

4ème dimanche de l’Avent B – 20 décembre 2020
2 S 7, 1-5.8b-12.14a.16 – Ps 88 ( 89) – Rm 16, 25-27 – Lc 1, 26-38
Homélie du P. Michel Quesnel

Si la page d’évangile d’aujourd’hui avait été lue dans une Bible et non pas dans le lectionnaire dominical, au lieu de « en ce temps-là », on aurait entendu « le sixième mois ». Car c’est par cette indication temporelle que le récit de l’Annonciation commence. Ce remplacement d’une formule par une autre est dommage, car l’évangéliste Luc a le souci de situer les événements du salut dans l’histoire. L’annonce à Marie a lieu six mois après l’annonce de la naissance de Jean Baptiste à Zacharie, que l’évangéliste situe « au temps d’Hérode le Grand, roi de Judée » (Lc 1, 5). Et, de façon plus insistante encore, Luc rédige toute une tirade historico-géographique pour situer le début de la prédiction de Jean Baptiste : « L’an quinze du règne de l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de Judée, Hérode étant alors au pouvoir en Galilée, etc. » qui s’étend sur deux versets (Lc 3, 1-2).

Les étapes du salut divin telles qu’elles sont repérables dans le christianisme sont situées dans une histoire. C’est bien ce qu’écrit saint Paul, dans la finale de l’épître aux Romains qui nous a été proposée en deuxième lecture. Il parle d’un « mystère maintenant manifesté ». Ce maintenant est fondamental. C’est d’ailleurs un maintenant d’une certaine durée, car l’Apôtre précise : « mystère maintenant manifesté au moyen des écrits prophétiques… porté à la connaissance de toutes les nations pour les amener à l’obéissance de la foi… » Ce mystère commence donc avec le début de la révélation au peuple juif, avec le patriarche Abraham, et s’étend jusqu’à la résurrection de Jésus de Nazareth, qui en est le point culminant. Cela fait environ deux mille ans d’histoire. C’est un maintenant un peu long, mais qu’est-ce que deux mille ans, dans l’histoire de l’humanité et dans l’histoire du monde ?

Il y a donc, dans l’histoire du monde, deux millénaires privilégiés, entre Abraham et Jésus, pendant lesquels Dieu s’est fait connaître, et à la suite desquels il demande aux croyants de le faire connaître. Le faire connaître comment ?

Il y a bien des moyens de le faire, c’est à chacun de les inventer en fonction de sa personnalité. C’est d’ailleurs bien ce que pense saint Paul lorsque, dans ces quelques lignes qui concluent l’épître aux Romains l’apôtre écrit « mon Evangile » : « Mon Evangile qui proclame Jésus Christ. » Y aurait-il plusieurs Evangiles ? Non, il n’y en a pas cinquante. Mais l’Evangile, chaque croyant doit se l’approprier, et cette appropriation prend des formes diverses, notamment dans la façon de le faire connaître. Certains d’entre nous iront faire de l’évangélisation de rue ; d’autres iront plutôt visiter des malades, des prisonniers, des exclus ; d’autres écriront des livres ; d’autres s’engageront dans l’action catholique ; d’autres créeront des blogs ou des vidéos… Il y a mille moyens d’annoncer l’Evangile.

Ne critiquons pas ceux qui le font autrement que nous ; il y a plusieurs demeures dans la maison du Père… Disons-nous plutôt que, si nous ne faisons rien pour que l’Evangile avec un grand E soit davantage connu et diffusé, nous sommes en-dessous du minimum.

En tout cas, il y a au moins une chose en commun entre les différentes façons d’annoncer l’Evangile, qui est bien mise en valeur par la première lecture et par le récit de l’Annonciation. C’est que le Dieu biblique est un Dieu humble, mobile, et même un Dieu nomade.

Le deuxième livre de Samuel nous rapporte un épisode important de la vie du roi David. Le roi était installé à Jérusalem, il s’était bâti un palais, sans doute assez modeste, mais un palais quand même, et il se rend soudain compte du décalage qu’il y a entre sa demeure à lui et la demeure de Dieu, qui est toujours une tente sous laquelle se trouve l’Arche d’Alliance, un simple abri de toile. Il confie au prophète Nathan son intention de construire un temple pour y abriter l’arche. Dans un premier temps, le prophète Nathan ne peut qu’approuver l’idée du roi. Mais Dieu renvoie à nouveau Nathan vers David pour lui tenir un tout autre discours : « Ce n’est pas toi qui me feras une maison… C’est moi qui te ferai une maisonnée, c’est-à-dire une dynastie… Et moi, je suis très bien sous une tente, cela me permet d’accompagner mon peuple quand il se déplace. Je n’ai que faire d’un temple somptueux. » Sous une tente, je suis plus mobile.

C’est bien ce que fait Dieu vis-à-vis de Marie. Il n’attend pas qu’elle soit au temple pour aller la trouver. C’est dans sa maison de Nazareth qu’il envoie l’ange Gabriel. Et lorsque Jésus naîtra, ce ne sera pas non plus dans un palais somptueux, mais dans une étable, parce qu’il n’y a pas de place pour Marie et Joseph dans un endroit plus confortable.

L’incarnation fait partie de notre Evangile, mais c’est un événement discret. A l’autre bout de la vie de Jésus, la résurrection fait plus encore partie de notre Evangile, mais elle n’a pas non plus été tonitruante : seules quelques personnes en ont été témoins.

Ayons donc à cœur de porter en nous un tel Evangile, de nous l’approprier en fonction de notre personnalité, de le faire connaître en fonction de nos talents. C’est cet avenir que mérite l’Evangile, un avenir qu’il aura grâce à nous, et que nous fêterons par le rappel de la naissance de Jésus, d’ici à quelques jours.