Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

3e dimanche de Pâques C – 1er mai 2022
Ac 5, 27b-32.40b-41 – Ps 29 (30) – Ap 5, 11-14 – Jn 21, 1-19
Homélie du P. Franck Gacogne

En français, le verbe « aimer » est vraiment décevant. Oui décevant ! Tout simplement parce que l’on a qu’un seul verbe pour dire que l’on aime Dieu, que l’on aime ses parents ou enfin pour dire que l’on aime les frites ou le chocolat ! Tout est nivelé, on est obligé de rajouter des « beaucoup », des « vraiment », des « un peu », mais c’est très décevant ! En grec, et là, quelle chance, il y a au moins 3 verbes différents pour exprimer que l’on aime. Et dans cet échange entre Pierre et Jésus, il y a justement deux verbes différents qui sont utilisés (ce que l’on n’a pas pu entendre dans notre traduction française), et cette différentiation va apporter du relief et du sens au dialogue entre Pierre et Jésus.

Le premier verbe utilisé, c’est « agapé », c’est-à-dire l’amour dont Dieu nous aime, lui qui est capable de donner (déposer) sa vie pour nous. L’agapé, c’est l’amour du bon samaritain pour celui qui est au bord de la route, l’agapé, c’est le don de soi, l’accueil gratuit de l’autre, sans aucune arrière pensée, ni intérêt même déguisé. Agapé manifeste une passion entre deux êtres. Pas une passion qui couve ou qui retient vers soi, mais plutôt une passion qui laisse une distance pour ouvrir à la liberté, une passion qui dilate. Le deuxième verbe utilisé dans le dialogue entre Jésus et Pierre c’est « philia ». Philia signifie aimer aussi, mais à un degré bien différent, inférieur. Philia, c’est aimer mais peut-être en pensant que l’amour a des limites, qu’il y a des conditions, des situations où ce n’est plus possible d’aimer.
Alors je vous propose maintenant de relire ce passage avec ce nouvel éclairage : « Quand ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment (agapé) plus que ceux-ci ? Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime (philia). » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes agneaux. » Il lui dit une deuxième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu vraiment (agapé) ? » Il lui répond : « Oui, Seigneur ! Toi, tu le sais : je t’aime (philia). » Jésus lui dit : « Sois le pasteur de mes brebis. » Il lui dit, pour la troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu (philia) ? » Pierre fut peiné parce que, la troisième fois, Jésus lui demandait : « m’aimes-tu (philia) ? » il lui répond : « Seigneur, toi, tu sais tout : tu sais bien que je t’aime. (philia). » Jésus lui dit : « Sois le berger de mes brebis. » Pierre n’est pas peiné d’entendre trois fois la question, mais que Jésus change de degré la troisième fois.

Voici une interprétation possible : dans ces deux premières questions, Jésus lui propose l’amour même de Dieu, il lui redonne tout ce qu’il est. Peut-être alors que Pierre est submergé et ne s’en ressens pas tout à fait digne. Il n’ose lui répondre sur le même niveau. A l’amour « agapé », il lui répond par l’amour « philia ». Mais Jésus qui veut repêcher Pierre se met cette troisième fois à son niveau (philia). Il s’abaisse pour que Pierre puisse le rejoindre. Si Pierre ne se sent pas digne de rejoindre Jésus, c’est Jésus qui prend l’initiative de rejoindre Pierre en dénouant ce dernier nœud qui le liait, Jésus rétablit ainsi l’Alliance. Il ne se contente pas de le libérer, il lui confie la mission de conduire à sa suite tous ses disciples : « sois le berger de mes brebis ! ».

A chacun de nous, le Seigneur nous pose cette question m’aimes-tu. Il renouvelle cette question tant qu’il le faut sans jamais se lasser. Soyons sûr que Jésus se met toujours à la portée de notre réponse. Amen.