Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

25e dimanche du temps ordinaire B – 19 septembre 2021
Sg 2, 12.17-20 – Ps 53 (54) – Jc 3, 16 – 4, 3 – Mc 9, 30-37
Homélie du P. Franck Gacogne

Ces lectures sont difficiles, et d’ailleurs, vous aimeriez en changer. Je vous comprends, mais je préfère que l’on essaye de les décrypter plutôt que de les esquiver, car cela ne réglerait pas notre problème : celui d’être souvent confronté à des textes de la Bible que l’on ne comprend pas ou qui nous mettent mal à l’aise.

Dans la première lecture du livre de la Sagesse, on décrit la figure d’un homme juste qui est persécuté par ses adversaires parce que ceux-ci ne supportent plus d’être contrariés et mis en défaut par lui. Par cette persécution, ses adversaires se disent que s’il est véritablement juste, s’il est Fils de Dieu, alors Dieu lui-même lui viendra en aide et on aura alors la preuve de son identité. Le passage se termine ainsi « condamnons-le à une mort infâme, puisque, dit-il, quelqu’un interviendra pour lui ». Le parallèle avec la vie de Jésus est frappant, vous avez remarqué, Jésus lui aussi a souvent mis en défaut et critiqué fermement les pharisiens qui sont arrivés à leur fin en le crucifiant. Est-ce que Dieu est intervenu pour préserver Jésus d’une mort sur la croix ? Non ! Pourtant, nous croyons fermement que Jésus est un homme juste et qu’il est Fils de Dieu. Cela veut donc dire que Dieu choisit de ne pas s’imposer à nous en cherchant à faire sensation, à faire de l’esbroufe. Cela veut dire que nous n’avons pas à attendre d’interventions magiques de sa part. Croire en Dieu ne s’impose jamais à ma vue, à ma vie et à ma conscience, c’est toujours un choix personnel, une conviction puissante que je pose, et qui dépasse, qui traverse ce qui nous est donné à voir. C’est d’ailleurs l’expérience puissante que va faire le centurion au pied de la croix dans l’évangile de Marc : « Le centurion qui était là en face de Jésus, voyant comment il avait expiré, déclara : « Vraiment, cet homme était Fils de Dieu ! » (Mc 15, 39). La croix est le lieu où Jésus révèle le véritable visage de Dieu : un Dieu qui fait route avec les hommes, et qui décide de le faire jusqu’au bout, jusqu’à l’extrémité sans jamais se défiler, un Dieu qui de cette façon-là nous révèle jusqu’à quel point il nous aime. Un Dieu qui prend sur lui nos douleurs, nos échecs et notre péché. La résurrection qui est différée, détachée de la croix, n’est pas une correction de trajectoire ou un pied de nez destinés aux persécuteurs. Grâce à Jésus, la résurrection devient une promesse, une espérance pour toute l’humanité : Dieu lui-même est passé par là et il en a été relevé !

Le lien avec l’évangile est assez intéressant. Jésus retourne en Galilée avec ses disciples, et pour la seconde fois il leur annonce sa passion, sa mort et sa résurrection. Il leur explique qu’il va être livré, qu’il sera tué avant de ressusciter trois jours après. Jésus leur exprime sans doute avec beaucoup d’émotions combien il est vulnérable, combien il est démuni devant l’ambition et la puissance des hommes qui lui veulent du mal, il leur dit sa non-maîtrise de l’avenir, sa faiblesse. Mais voilà que les disciples gardent le silence et ne perçoivent pas le poids tragique de ce Jésus leur annonce : ils n’ont rien d’autre à faire que se disputer entre eux une supposée première place aux côtés de Jésus, une place d’honneur réservée au plus grand, au plus méritant. Lequel d’entre eux se précipitera pour prendre la place de l’un des larrons aux côtés de Jésus sur la croix ? Aucun : ce jour-là il n’y aura plus personne ou presque pour se revendiquer du Christ. Quand Jésus est anéanti, abaissé jusqu’à l’extrême humiliation de la croix, il n’y a plus personne pour réclamer une place de choix à ses côtés.

Alors la scène qui suit est absolument admirable, car elle met en acte la réponse de Jésus avant même qu’il n’ouvre la bouche. Alors que les disciples viennent de se disputer pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand sous entendu après Jésus lui-même, Jésus lui s’assied. Il joint l’action, il joint le geste symbolique à la parole qui va suivre. Celui que les disciples tentent d’égaler afin d’obtenir une place de 1er choix se retrouve maintenant à leurs pieds. Dans un de ses très beaux livres, François Varillon écrit que « L’amour de Dieu ne surplombe jamais. Il n’y a pas de regard d’amour qui soit un regard de haut en bas. Se pencher sur le peuple, c’est ne pas aimer le peuple. Se pencher sur un enfant, c’est ne pas aimer un enfant. Dieu ne se penche pas », il est toujours à notre niveau. C’est l’humilité de Dieu. Dieu est humble. C’est donc abaissé, après s’être assis que Jésus prend précisément un enfant pour le leur présenter comme étant lui-même. Voilà que l’ambition de prestige et de reconnaissance des disciples se retrouve rabaissée à devoir accueillir un enfant. Et à l’époque de Jésus, un enfant n’était pas du tout considéré : « Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. » Jésus auquel il associe son Père, se reconnaît ainsi le dernier et il choisit d’être le serviteur de tous.

Bien sûr nous pouvons tirer de cet évangile un enseignement pour nous même sur cette attitude d’humilité à rechercher en toutes circonstances. Ce passage d’évangile peut aussi être un appel à convertir notre regard, notre conception de Dieu et notre prière, comme nous y invite la deuxième lecture. Car quand nous prions, avons-nous toujours bien l’idée d’un Dieu petit et humble qui ne peut qu’aimer et servir. Un Dieu qui n’est finalement pas capable d’actions éclatantes pour s’imposer à notre foi. Dans l’expression « Dieu tout Puissant » que l’on entend si souvent dans la liturgie, c’est à cela qu’il faut penser. La plus grande manifestation de la puissance de Dieu est récapitulée sur la croix, elle dit tout de l’humilité et de l’amour vécus jusqu’au bout de l’engagement. Amen.