Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon
Tuan NGUYEN

Vendredi Saint C – 15 avril 2022
Is 52, 13 – 53, 12 – Ps 30 (31) – He 4, 14-16 ; 5, 7-9 – Jn 18, 1 – 19, 42
Homélie du Fr. Tuan Nguyen (a.a)

Frères et sœurs,
Sans doute, un des moyens pour nous aider à mieux sentir ce que Jésus a vécu dans le récit de la passion est la représentation artistique.
Vous connaissez sans doute d’autres œuvres. Mais le crucifix à saint-Charles est un exemple. Dès l’entrée de l’Eglise, on tombe sur un homme, dont le corps tout abîmé, suspendu à la croix, les yeux grands ouvert. La scène montre une atrocité telle qu’elle coupe le souffle. On n’ose pas le regarder trop longtemps…Ce Jésus en croix, en souffrance, devant qui sans doute la meilleure attitude, c’est le silence. Un silence par respect pour le souffrant, mais aussi par compassion…
L’antienne de la lecture de la passion est tirée de la lettre de st Paul aux philippiens : « pour nous le Christ est devenu obéissant, jusqu’à la mort, et la mort de la croix. C’est pour quoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom » (Ph 2).
Je voudrais retenir le mot obéissant. Ce mot évoque une attitude intérieure de Jésus, celui que beaucoup croient qu’il vient de Dieu. La vie de Jésus, trois ans de mission font voir un homme de Dieu. Il obéit à Celui qui l’a envoyé. Celui que Jésus nomme parfois « Abba », Père. Cette obéissance est la manifestation d’une écoute attentive. Jésus écoute Celui qui l’envoie, et son programme unique : « que le monde ait la vie, la vie en abondance ».
Si Jésus accepte d’aller vers la souffrance de la croix, ne pensons pas trop vite que cela est pour apaiser la colère de Dieu Père, comme ce que nous avons appris dans le vieux catéchisme. Ce n’est pas pour incriminer, mais nous sommes devant le mystère, celui de la mort de Jésus. Jésus se met au service de ce projet de Dieu : Par Lui que Dieu donnera sa vie à tous ses enfants. Mais le chemin par lequel il passe est très épineux. Il a été tenté de se tourner le regard : « Père, si c’est possible, éloigne cette coupe de moi… ». Finalement il a choisi ce qui est bien pour le salut de tous. Il a écouté pour nous. Au point que, de la croix, instrument de malédiction, symbole de toute méchanceté humaine, Jésus a fait de cela un chemin par lequel il apporte le pardon de Dieu. D’un côté le mal radical, comme dit François Cheng, et de l’autre côté, un amour infini de l’HOMME Dieu qui sur la croix supplie pour les bourreaux « Père, pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». La beauté sublime du Christ est cela, en ce pardon divin qu’implore au mal subi injustement. Car le pardon de Dieu est pour relever l’homme et lui donner la Vie. L’amour de Dieu est plus fort que tout égarement, tout mal que l’homme peut commettre.
Jésus a souffert, il est mort une fois pour toutes. Mais, chaque fois que nous méditons sa mort, sa souffrance, nous pouvons offrir les nôtres et celles de tout homme. Car, c’est notre corps, notre chair est assumée définitivement dans la chair du Christ. « C’est l’assomption de tous les corps, les laids, les vieux, les jeunes, les parfumés, et les fripés » (Anne Lécu). Dans le corps du Christ, comme dit saint Augustin, se trouvent ces êtres blessés, les victimes de guerre en Ukraine, dans le monde, les souffrances avouées ou inconnues : « Depuis que le corps du Christ gémit dans les angoisses, et ce jusqu’à la fin des siècles, cet homme Dieu pousse vers le Père des cris et des gémissements ; et chacun de nous a sa part dans les gémissements du corps entiers ». (Discours sur le Psaume 85, Cerf, 2007).
Jésus sur la croix, comme un geste d’élévation, son corps meurtri et transpercé est déjà glorieux, victorieux, avec lui tous ceux dont le corps souffrant crie vers Dieu peuvent espérer que l’amour est plus fort que la mort » (p. 90). Au-delà de ses souffrances, il y a cette espérance dans le Père.
Devant la croix du Christ, faisons silence, inclinons-nous, prosternons-nous devant Celui qui accepte le malheur pour nous ouvrir à la vie que Dieu donne.