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Tuan NGUYEN

Ascension du Seigneur B – 13 mai 2021
Ac 1, 1-11 – Ps 46 (47) – Ep 4, 1-13 – Mc 16, 15-20
Homélie du Fr. Tuan Nguyen, diacre (a.a)

Ascension du Seigneur et la nôtre
Chaque culture a sa façon de se saluer. Dans mon village, au Vietnam, quand les gens se croisent, ils ont l’habitude de dire « où vas-tu ? ou où allez-vous », c’est une façon de dire bonjour. Pour ceux qui ne sont pas de notre culture, cela peut étonner. L’interlocuteur pose une question avec l’adverbe du lieu. La question est, mine de rien, très fondamentale, existentielle : elle nous dit combien nous avons besoin de savoir où aller.

La question où allons-nous résonne bien avec la fête d’aujourd’hui. L’Ascension. Après la résurrection, les lectures de la fête d’aujourd’hui pose la même question : où va-t-il Jésus ? Revenu du séjour des morts, Jésus est apparu à ses disciples pour affermir leur foi et les encourage à aller annoncer la Bonne Nouvelle. Les disciples sont désormais témoins de cela, la vie de Jésus. Le livre des Actes des apôtres que nous lisons pendant le temps pascal fait voir cette force neuve que Jésus communique à ses amis. Ils sont allés répandre l’évangile à tous. Jésus est avec eux pour les soutenir. Mais voici que Jésus s’en va : il fut élevé au ciel (Ac 1, 4-11, Mc 16, 15-20).

Revenons au récit. Dans l’évangile de Marc, l’ascension de Jésus est décrite en peu de mot. Chez saint Luc, Jésus conduit les disciples vers un village, Béthanie. Pendant qu’il les bénissait, il est emporté au ciel (Lc 24, 50). Dans les Actes, un peu plus long, Jésus s‘entretenait avec ses disciples, puis sous leurs yeux, Jésus s’éleva et une nuée vient le soustraire à leur regard. Les disciples fixaient le ciel où Jésus s’en allait. Nous pouvons devenir le sentiment des disciples à ce moment-là. Frustrés, un peu tristes peut-être car voici le Maître part dans le ciel.

Il fut emporté dans le ciel, mais quel ciel ?
Le terme le ciel dans la culture du Proche Orient désigne l’endroit des dieux. En Asie, le ciel est aussi dit comme une personne. « Monsieur le Ciel ». Les auteurs bibliques partagent cette idée. Dans la Gn 1, 6-10, Dieu sépare la partie inférieure du supérieur : la terre est le lieu où l’homme habite et le ciel (ce mot est toujours au pluriel en hébreux) est l’habitat de Dieu.

Le ciel évoque aussi la souveraineté de Dieu. En effet : C’est Lui qui est le Dieu des cieux. Il a tout créé. La Bible nous fait comprendre aussi que même les cieux est une créature de Dieu. Dieu ne peut être conditionné par cet espace, même si l’univers est infini. Dieu embrasse l’univers. Ne comprenons pas trop vite que Dieu est seulement dans le ciel visible que nous voyons. A l’époque soviétique, dans les années 60, on a attribué cette célèbre phrase à Gagarine, le premier homme qui a volé dans l’espace :  » J’ai été dans l’espace mais je n’ai pas vu Dieu « . Cette déclaration n’est pas de lui, mais du chef du parti communiste à l’époque. Il dit cela au service de son idéologie officielle. Aujourd’hui encore, plus récemment Thomas Pesquet s’est envolé dans l’espace. Il n’a pas vu Dieu, ni son habitat !

Or le ciel dont parle l’Ecriture sainte dépasse largement le ciel que nous pouvons voir. Ce ciel est au-delà de ce qui est visible. Croire que Jésus s’élève dans le ciel, c’est croire qu’il est rentré dans l’univers de Dieu, le monde de Dieu. Jésus entre dans un mode d’existence qui ne relève plus de ce que nous connaissons (caractérisé par espace et temps). Ce ciel échappe à nos yeux corporels.

Il s’en va là d’où il venait…
Nous fêtons l’Ascension de Jésus. Nous fêtons le témoignage que Dieu lui rend. En effet, Jésus est un être exceptionnel. C’est quelqu’un spécial. Les auteurs des Evangiles nous montrent le lien entre le terme de la vie de Jésus sur terre et son origine. Il n’est pas un homme ordinaire. Il faut faire le lien entre l’ascension de Jésus chez Luc et le début du même évangile (Lc 1). La naissance de Jésus est une œuvre de Dieu. Il est le Fils du Très Haut. De façon convergente, saint Jean nous dit de même : « Nul n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel » (Jn 3, 13). S’élever dans le ciel nous rappelle alors l’origine de Jésus. Sa proximité avec Dieu, qu’il appelle Père. L’ascension de Jésus veut nous penser davantage à sa divinité. Voilà pourquoi je ne peux mettre Jésus sur le même plan que Bouddha, que je respecte. Jésus retourne là d’où il vient nous visiter. Ces mouvements : descendre et remonter, à peine incroyable, résument toute l’originalité du Christianisme.

Notre terminus, c’est avec Lui, en Dieu
Une fois que nous avons conscience d’où Jésus vient, nous pouvons, à notre tour, mettre notre espérance et notre joie en Lui. Celui qui était auprès de Dieu est venu nous rendre visite, plus encore il partage avec nous la condition humaine. Lorsque nous fêtons Noël, nous fêtons cette descente admirable : le fait qu’il a pris la chair de notre chair, il est devenu semblable à nous, aujourd’hui, pour nous élever avec Lui vers Dieu.

Nous descendons dans notre réalité humaine, ce n’est pas toujours beau et satisfaisant et heureux, notre vie a besoin d’être accomplie. Elle a besoin du sens. Entendons cela en deux sens : la signification et aussi la direction.

Par son ascension ou son élévation auprès de Dieu, Jésus nous faire nous souvenir que notre terminus, notre accomplissement se trouve en Dieu. La direction est donnée en Lui qui s’est fait proche de nous, Lui qui était de condition divine, mais il s’est abaissé, nous dit saint Paul dans la lettre aux Philippiens, chapitre 2. Jésus se fait grand Frère de tout homme, il est devenu chemin qui nous conduit à Dieu ( Jn 14). Il est notre soutien. C’est Lui qui a dit à ses disciples : « je m’en vais, vous ne me verrez plus… Je pars vous préparer une place, je reviendrai et vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi (Jn 14, 3).

Mais, n’oublions pas la terre
Et pourtant, ne fixons pas notre regard le ciel comme si le monde terrestre est à négliger, comme si rien ne vaut ici-bas. Les disciples n’ont pas été appelés à rester là, les yeux fixés sur le ciel, laissant derrière eux le monde à son sort. Non, ils sont invités à partir annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus à toute humanité, à toute création. L’histoire de 2000 ans du Christianisme le montre avec éloquence.

En effet, les chrétiens ne cherchent pas à fuir le monde. Au contraire, ils doivent être des témoins de l’Evangile, en vivant au mieux conformément à ce que le Christ a enseigné, en partageant cette Bonne Nouvelle au monde. Si nous pouvons vivre ainsi, le monde, créé par Dieu, sera transformé par la force de la Bonne Nouvelle.

Notre vocation chrétienne, notre mission, ne peut s’accomplir dans la mesure où nous sommes saisis par Jésus Christ. Les premiers disciples et les premiers chrétiens ont parfaitement compris cela. L’un d’entre eux, c’est st Augustin au 5e siècle, en méditant sur cette fête de l’Ascension, pense que le Seigneur « s’éloigne de nous en apparence, c’est pour remplir notre cœur de Lui intérieurement » (Sermon 264, 4). Et que « Dieu possède le cœur, par les yeux, il parle au cœur, il habite au-dedans, pour nous changer dans l’intime de notre être, nous vivifier par lui, nous former par lui » (Ibid.)

Comme le Seigneur retourne auprès du Père, nous savons où nous allons. Notre terminus est déterminé, il ne nous reste qu’à poursuivre le voyage, fixant le ciel, là où Seigneur règne, mais pied sur terre, travaillons avec la force, son Don, Esprit-Saint qui nous accompagne et vivons avec foi pour que, le jour viendra, la promesse de Dieu se réalisera : son Royaume se manifestera dans le ciel et sur la terre.