Open/Close Menu Paroisse catholique à Lyon

24e dimanche du temps ordinaire C – 11 septembre 2022
Ex 32, 7-11.13-14 – Ps 50 (51) – 1 Tm 1, 12-17 – Lc 15, 1-32
Homélie du P. Franck Gacogne

Cette année, nous suivons chaque dimanche le fil de l’évangile de Luc, et après le chapitre 14 entendu ces deux derniers dimanches, nous entrons naturellement dans le chapitre 15. Vous savez qu’il est habituel que la liturgie cherche à placer en première lecture un texte de l’ancien testament qui soit en correspondance avec l’évangile pour lui faire écho et surtout pour montrer la cohérence et la continuité de l’un et l’autre testament. A mon avis le bibliste qui a cherché la première lecture pour ce dimanche s’est bien arraché les cheveux et s’est bien emmêlé les pinceaux pour finalement se planter !

Y-a-t-il un Dieu plus inattendu et surprenant que le père de cette parabole ? En effet, après le sale coup que lui a fait son fils, tout le monde s’attendait à trouver un père en furie sur le point de faire éclater son courroux contre ce fils à son retour. Conformément à cette conviction, mais à l’antithèse de l’évangile, c’est exactement le texte que nous a trouvé le bibliste de service dans le livre de l’Exode ! On y voit Moïse cherchant à calmer la colère de Dieu qui voulait s’en prendre à son peuple ingrat et sans considération pour son libérateur, sous prétexte qu’il s’est détourné de lui pour adorer un faux Dieu fabriqué de ses propres mains. Croyons-nous vraiment que Dieu voulait venger cet affront ? N’est-ce pas plutôt l’image que les croyants se faisaient de Lui, de telle sorte qu’ils s’octroyaient ensuite la capacité de pouvoir raisonner Dieu et changer ses projets. Quelle prétention invraisemblable !

Alors, ces textes nous parleraient-ils de la conversion de Dieu ? Bien sûr que non, ce serait un comble ! Dieu n’a pas besoin de se convertir, tout simplement parce qu’il a toujours été le même : « tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de vérité » comme le dira ce même livre l’Exode tout juste deux chapitres plus loin (Ex 34, 6, Ps 103, 8). Soyons clair, c’est de notre propre conversion que ces textes nous parlent, conversion de la fausse image que nous pouvons avoir de Dieu, et malheureusement, parfois malgré nous, que nous pouvons transmettre.

« Dieu te voit, Dieu va te punir », je suis sûr que nous avons presque tous déjà entendu cela dans notre enfance. A tel point qu’on a pu représenter Dieu tel l’œil de Moscou (si je puis dire !). C’est le cas dans cette église comme en beaucoup de lieux au XIXème siècle. Est-ce vrai ? Est-ce l’image que nous avons de Dieu ? Est-ce l’image que nous utilisons pour appuyer notre autorité éducative sur les enfants ? Je crois que tout cela est nuisible et très dommageable, car exactement contraire à l’image du Père présenté par Jésus dans l’évangile de Luc.

Si l’œil de Dieu est affuté, ce n’est pas pour nous épier en vue de nous punir, mais c’est pour pouvoir repérer l’unique brebis qui s’est perdue et en être inquiet et ému au point de tout plaquer pour elle. Alors même que le berger pourrait se contenter des 99 restantes et se dire :« à quoi bon prendre le risque de les laisser pour une seule manquante ! ».

Si l’œil de Dieu est affuté, c’est pour pouvoir scruter l’horizon à chaque instant le cœur plein d’espérance, pour ne pas rater ne serait-ce qu’instant du retour de son fils, il trépigne d’impatience de pouvoir aller se jeter dans ses bras pour lui dire tout son amour qu’il n’a jamais manqué de lui donner.

Si l’œil de Dieu est affuté, c’est pour pouvoir poser son regard franc et plein de considération sur le fils aîné, afin de le supplier de prendre part aux réjouissances, en espérant tant que l’œil jaloux et mauvais de ce fils s’attendrisse.

Voilà, bien loin du livre de l’Exode, le plus juste portrait que Jésus nous révèle de Celui qui l’a envoyé. Et dans l’évangile de Jean, à l’apôtre Philippe qui ne comprends toujours pas et qui lui réclame : « Seigneur, montre-nous le Père », Jésus enfonce le clou en répondant : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jn 14, 8-9). « Tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître » (Jn 15, 15). Amen.