Adresse : 1 rue André-Bonin, Lyon 4e (sortie Saône du tunnel Croix-Rousse)
Architecte : Louis MORTAMET
Date de construction : 1951-1952
Propriété de la Ville de Lyon

Un peu d’histoire…

L’église Saint-Charles de Serin, au sortir du tunnel de la Croix-Rousse côté Saône, est à peine entrevue par les passants. C’est pourtant une des premières églises de la 2e moitié du XXe siècle, dont le programme architectural et ornemental, de qualité, a été pensé, mené à terme et conservé. Il y règne une ambiance feutrée propice au recueillement.

L’église remplace la précédente construite de 1874 à 1883 à proximité de l’usine de teinturerie Gillet, grâce aux dons de cet industriel, de la famille Charrin-Soulier et des habitants. Le percement du tunnel de la Croix-Rousse, mis en chantier en 1939 et interrompu par la guerre, reprend dès 1946. L’édifice est dans l’axe du tunnel ; la municipalité décide de la détruire plutôt que de la contourner. En accord avec le curé, l’abbé Louis Gitenet, elle fera le choix d’une église résolument moderne et non d’une reconstruction à l’identique.

La nouvelle église est construite en 13 mois sur des terrains donnés par la municipalité, par Louis Mortamet, architecte des Monuments historiques et membre de la commission d’Art sacré du diocèse. Elle est consacrée le 23 mars 1952 par le cardinal Gerlier et, comme la précédente, dédiée à saint Charles Borromée.

À la découverte de l’église

L’église, construite sur un plan rectangulaire, est l’une des premières du diocèse à présenter un clocher décalé, de plan carré.
Dans le narthex, qui occupe toute la largeur de l’église, se retrouvent des œuvres provenant de l’ancienne église : à l’est un Christ mort dans la chapelle du Calvaire et à l’ouest les fonts baptismaux. Quelques autres éléments de la première église sont visibles dans l’église : statues, autels…
Une fois passée la porte, on pénètre dans la nef couverte de grands arcs diaphragmes brisés et repercés formant symboliquement comme deux mains réunies en signe de prière. À leur base les arcs dessinent un simple couloir de circulation le long des murs latéraux. Au-dessus du sanctuaire ils diminuent progressivement de hauteur, concentrant la vue sur l’autel et le chœur. L. Mortamet applique là les règles d’architecture religieuse définies par l’architecte dominicain Dom Bellot, qu’il avait déjà expérimentées avec son père à l’église de la Sainte-Famille, à Villeurbanne.

L’aménagement du chœur est dessiné par l’architecte Louis Mortamet et le décorateur Jean Coquet qui signe également la décoration générale de l’église. La table de communion qui délimite le chœur et intègre l’ambon et le pupitre est orné d’un parement de marbre, et l’autel très large évoque la table de l’Eucharistie à laquelle sont invités les fidèles. En fond de chœur, le tabernacle est posé sur un piédestal en pierre pour évoquer les tentes médiévales et illustrer le verset de la Bible : « Et le Verbe s’est fait chair et il a planté sa tente au milieu de nous » (Jn 1, 14 ; traduction littérale).

Des éléments remarquables

Le grand Christ souffrant dessiné par Jean Coquet et réalisé par l’ébéniste Christian Krass est une des œuvres majeures de l’art sacré lyonnais du XXe siècle, illustrant les théories défendues entre autres par les pères Couturier et Régamey sur des représentations non idéalisées. Le livre d’or de l’église témoigne des oppositions de jugements des visiteurs et du curé devant cette œuvre forte. Deux extraits parmi bien d’autres, illustrent ces oppositions : « [on n’a pas voulu faire] Un Christ grassouillet, bien en chair, très à l’aise sur sa croix, sans douleurs… En réalité le Christ a souffert et terriblement. Ce Christ dérange notre esprit bourgeois, notre confort, notre embonpoint… C’est exactement ce qu’on a voulu », précise le curé Louis Gitenet ; « C’est bien de vouloir déranger l’esprit bourgeois, mais de grâce qu’on trouve autre chose qu’une caricature », répond un visiteur.

Jean Coquet a également dessiné le chemin de croix très expressif en céramique colorée qui raconte la Passion du Christ revécue chaque année pendant la Semaine Sainte avant de fêter sa Résurrection à Pâques.

Il est également l’auteur de l’ensemble des vitraux de l’église, réalisés en dalles de verre de couleurs franches. Ils ont un programme iconographique à la fois riche en symboles (plus de 124 !) mais choisi pour être simple à comprendre par les fidèles et visiteurs.

La « rosace » de la tribune évoque la musique et le chant avec la lyre du roi David et des multitudes d’oiseaux.
Les vitraux du narthex évoquent la Passion du Christ (voile de Véronique, instruments de la Passion…) et la Résurrection (phœnix surgit des flammes).

Dans la nef centrale, à droite en partant du fond (est) :

  • 1ère baie : le mystère de Dieu : la Trinité (Triangle), le Père, le Fils et le Saint-Esprit
  • 2e baie : la création, la révolte (serpent), le péché (pomme de l’arbre de la connaissance du bien et dudu mal), l’alliance de Dieu avec les hommes (arche de Noé)
  • 3e baie : Incarnation et Rédemption, le Christ Sauveur des hommes : le poisson (« ichtus »), l’agneau immolé, la charité du Christ (cœur), le Christ-Roi
  • 4e baie : le catéchisme (Bible) et les sacrements de l’initiation chrétienne : le baptême (coquille), la confirmation (colombe de l’Esprit-Saint), l’Eucharistie (calice)
  • 5e baie : les sacrements de la réconciliation : la pénitence (bélier dans les ronces, les plaies du Christ, le pardon avec l’absolution de la main du prêtre), le sacrement des malades (ou Extrême-Onction).
  • 6e baie : les sacrements de la vie ecclésiale : le sacrement de l’ordre (Pape, évêque, prêtre) et du mariage (alliances enlacées)

À gauche en partant du fond de la nef (ouest) :

  • 1ère baie : Saint Charles Borromée, patron de l’église : sa devise (Humilitas), sa générosité, son ascèse (pain et eau, fouet), son apostolat
  • 2e baie : les évangélistes représentés par le Tétramorphe : saint Matthieu (l’ange), saint Marc (lion), saint Luc (taureau) et saint Jean (aigle)
  • 3e baie : la Vierge Marie : l’Immaculée-Conception, la Vierge (lys enflammé), la Mère (Enfant Jésus), la Reine (couronne de gloire)
  • 4e baie : les colonnes de l’église : saint Pierre (clés), saint Paul (épée), saint Joseph (lys et outils de charpentier), patron de l’Église universelle et saint Irénée (livre sur les hérésies), patron du diocèse de Lyon
  • 5e baie : les 3 vertus théologales et la prière : la Foi (lampe allumée), l’Espérance (ancre) et la Charité (pélican nourrissant ses petits avec sa propre chair), la prière (encensoir)

Les vitraux du chœur représentent des armoiries :

  • Côté droit (est) : en fond de chœur, celles de Pie XII (1939-1958) et du Cardinal Pierre-Marie Gerlier (1937-1965), respectivement pape et archevêque de Lyon lors de la consécration de l’église.
    Dans la travée de chœur plus proche de la nef, on trouve également les armoiries de saint François-de-Sales, patron secondaire de la paroisse, puis celles des teinturiers lyonnais avec les initiales « F.G. » en référence au bienfaiteur François Gillet et en bas, une représentation du diacre saint Vincent, patron des marchands de vin, en souvenir de l’activité passée de négoce du vin du quai Serin.
  • Côté gauche (ouest) : en fond de chœur, le blason de Mgr Bornet, évêque-auxiliaire de Lyon qui a co-consacré l’église le 23/03/1952 avec le cardinal Gerlier, avec le Bon Pasteur et sa devise « Alter alterius onera portate » (« portez les fardeaux les uns des autres ») ; dessous les armoiries de Mgr Ancel, évêque-auxiliaire de Lyon, avec sa devise « Crux spes unica » (« La croix, unique espérance »).
    Plus en avant, dans l’avant travée de chœur à gauche (ouest) : les armoiries de Charles X (roi de France de 1824 à 1830 sous lequel a été érigée la paroisse en 1824), puis celles de la famille de Valence (en souvenir de l’érection de la paroisse en 1824 précisément dans la chapelle privée de M. le comte de Valence) et en bas le blason de la Ville de Lyon, propriétaire de l’édifice et dessous les initiales « CS » de la famille Charrin-Soulier, en hommage à la générosité de la famille ayant permis d’édifier la première église entre 1874 et 1882.

Enfin, les petites verrières en partie basse de la nef :

  • Côté droit (est) : en l’honneur de saint Louis (lys de France, branche de chêne, croix des Croisés…) et de saint Joseph au centre (équerre, sablier, lys…)
  • Côté gauche (ouest) : en l’honneur de la Vierge Marie (5 fleurs des champs simples et modestes) et de l’Église (blé, raisin, croix du Pape…)

L’église Saint-Charles conserve un tableau Nativité lyonnaise, du peintre lyonnais Jean Martin (1911-1996) résidant à Vaise, peint sur bois a tempera, expression de la dernière période du peintre inspirée du Moyen Âge italien : on reconnait les principales églises lyonnaises avec au premier plan, entre Marie et Joseph, l’église Saint-Charles tout juste achevée, mais aussi la primatiale Saint-Jean-Baptiste, la basilique d’Ainay et sur une colline au décor onirique, la basilique de Fourvière. Présenté autrefois dans le narthex, il a été accroché en 2018 dans le chœur après restauration.

© Textes : CDAS de Lyon, Maryannick Chalabi et Violaine Savereux-Courtin, février 2021.
© Photos : Martial Couderette ; sauf tableau J. Martin : Tekoa photos, tabernacle, vitrail Noé et petits vitraux : CDAS, V. Savereux-Courtin

Pour en savoir plus : M. Chalabi, V. Savereux-Courtin. Les églises XXe du diocèse de Lyon. Éditions Lieux-Dits, 2019 (352 p., 800 ill., 39€).

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